□■□ La vie est un long fleuve tranquille où tu n'es pas. loading

YOUR LITTLE STORY;

• Chapitre I : Le toboggan
  Allongé. Droit. Mort. Non, vivant. Les ondulations et les plies du drap sur ses jambes étaient semblable à la surface de la mer. Deux ans qu'il avait vu cette étendue azurée. Deux ans que ses orteils s'étaient enfoncés dans le sable mouillé. Il rejeta le drap par dessus le lit. Il détestait la mer. Ses pieds nus rencontrèrent le sol gelé. Sur son visage, une expression qu'on ne lui connaissait pas. C'était un furieux mélange d'irritation et de détermination. Ses sourcils plissés, le regard dur et froid, il franchit la porte.
  Dans le couloir, l'agitation accélère son pouls. Du haut de ses sept ans, le monde lui paraît grand et vaste et cet hôpital, petit et étroit. Il sent qu'une minute de plus entre ses murs l'étoufferait, l'anéantirait. Alors, il se glisse habilement jusqu'à l'extérieur. L'air hivernal ne tarde pas à mordre ses joues rebondies. Les traits de son visage s'illuminent. Là, sur sa gauche, il découvre un parc. Immédiatement, c'est le toboggan qui l'attire.
  Ça y est: il est en haut, près à descendre quand une idée lui traverse l'esprit. Glisser debout, c'est sûrement plus amusant. Les jambes tendues, il s'élance. Le vent s'engouffre dans ses cheveux. L'équilibre lui manque. Il vacille, et tombe. Son dos frappe lourdement le sol dur. Le souffle coupé, il ne se relève pas. Il ferme les yeux. Le hurlement qu'il entend, n'est qu'un murmure pour lui.
  
• Chapitre 2: Rencontre
  Il n'avait pas pu y assister. Alors, quand son père débarqua dans sa chambre, il se redressa et, d'un regard, l'incita à tout lui raconter. Grand et svelte, le costume de marié confectionné sur mesure, le ravissait. La cravate blanche nouée autour de son cou avait judicieusement été desserrée. Ses lèvres étirées auraient pu émerveiller la plus difficile des jeunes filles.
  « Alors ? » L'encouragea son fils alors que lui s'asseyait sur le rebord du lit.
  « J'aimerais te présenter quelqu'un. »
  L'adolescent aurait pu lui poser milles questions mais l'apparition d'une jeune femme le fait taire. Il s'est entraîné pour cette rencontre. Il n'a pas l'air malade lorsqu'il affiche un grand sourire et se présente. Elle est charmée. Dans ses jupons, Gabriel aperçoit alors une frimousse. Son teint mâte et les boucles de ses cheveux l'impressionnent mais pas autant que son air bougon et indocile.
  Il se détache d'elle un instant, le temps d'écouter avec la plus grande attention le récit du mariage qui venait d'avoir lieu. La gorge sèche, son père et sa mère -car c'est ainsi qu'il l'a toujours considéré- descendent se désaltérer. Lui, est sur son lit. Elle, les bras croisée sur sa poitrine, est dans le coin le plus éloigné. Ses lèvres se détroussent.
  « C'est MA maman ! Je ne te la donnerais pas ! »
  Ses yeux étincèlent de fureur. Poings serrés, elle fronce le nez, prête à bondir. Personne ne lui prendra sa mère sans goûter à ses coups. Devant tant de courage et de témérité, Gabriel ne peut s'empêcher de sourire. Un sourire franc et incommensurablement plus doux et compréhensif que n'importe lequel des précédents.
  
  
  « Je te pardonne. »
  
  
  
• Chapitre 3: Amertume et rancœur
  Les doigts autour de ses poignées, de ses chevilles, l'empêchaient d'évacuer la douleur par des gestes. Les conseils, les mots tantôt mielleux tantôt secs des médecins ne l'atteignaient plus. Morphine et autres analgésiques ne fonctionnaient plus ou pas assez. Il ne criait pas, ne hurlait mais ses dents entamèrent la chair de ses lèvres jusqu'à les fendre. De l'air, il n'en aspirait jamais assez. La souffrance. Elle le hantait depuis toujours. Sa vie n'était pus qu'un compte à rebours jusqu'à la prochaine attaque cardiaque. Chaque battement de cœur l'effrayait. C'était une seconde de plus d'écouler, un pas en avant vers l'horreur.
  Une aiguille traverse sa peau. Enfin, il peut goûter au repos. Ses paupières tombent. L'étourdissement le guette et l'assomme.
  
  Il se réveille. La sueur perle sur son front. Un battement de cils. Deux. Il entend sa respiration marquée par l'électrocardiogramme à coté de lui. C'est régulier. Apaisant. Reposant. La fatigue a tirer ses traits et bleuie les poches sous ses yeux.
  « Moi qui pensait que cette fois serait la bonne... »
  Imperceptiblement, il fronce les sourcils en l'entendant. Sa tête se penche sur le coté. Elle se tient là, devant lui, une moue insatisfaite sur le visage. Un éclair de reproche brille dans ses prunelles. Qu'elle s'en aille, prie t-il en se détournant d'elle. Cette fille lui fera perdre la raison.
  
  
• Chapitre 4: Obsession
  Dévorante, tumultueuse passion. Il laisse aller sa bouche sur la sienne. Doucement, ardemment, fougueusement. Elle est là, entre lui et le mur dans son dos. Toute proche et pourtant, jamais assez. Il aspire son haleine parfumée et délicieusement sucrée. Lentement, il perd sa raison, sa lucidité mais gagne en avidité, en impatience. Son pouce caresse tendrement la peau de ses joues. Rapidement, respirer devient une nécessité. Pourtant, il prolonge ce baiser encore et encore. Au bord de la noyade, il se détache. Le contact lui manque tant qu'il plaque instantanément son front contre le sien. Il ne la quitte pas des yeux alors qu'elle dégrafe les boutons de sa chemise. Là, au milieu de sa poitrine, elle ne peut pas ignorer la grande cicatrice. Et, lorsqu'elle y laisse aller ses doigts, il frémit.
  L'attente est douce, chaude mais insupportable. N'y tenant plus, il se jette à nouveau sur sa bouche.
  
  « Nathanael... »
  
  
• Chapitre 5: Mort
  « Je dois te montrer quelque chose. »
  « Mais je dois- »
  Elle le fait le taire, l'attrape par la manche et l'entraîne dans les couloirs. Il la connait assez bien pour savoir de quoi il retourne. Elle se retournera soudainement, exigera qu'il ne revoit plus Nathanael et le menacera. Alors, quelle ne fut pas sa surprise quand elle l'invita à entrer dans cette réserve.
  « Regarde. » Lui ordonne t-elle en s'arrêtant sur le seuil.
  Ne voyant rien qui puisse faire l'objet d'une telle attention, Gabriel pénétra dans la pièce. Toutes lumières éteintes, il n'y voyait absolument rien. Et, quand, derrière lui, sa sœur referma la porte, l'obscurité avait définitivement envahie sont champ de vision.
  « Amber ! Mais qu'est-ce que tu fais ? Ouvre-moi. »
  « Non ! Pas avant que tu promettes de ne pas la revoir ! »
  Il l'entendit s'éloigner. Un soupir souleva son torse. Son corps se courba brutalement quand son cœur dérapa. Il tenta de garder son calme. Enfermé ici, personne ne le remarquerait avant un certain temps. Son glissa contre la porte. Main sur sa poitrine, il avait tout le mal du monde à se tenir tranquille.
  « Amber ! » Appela t-il dans un souffle.
  Il lutta. Les premières minutes. La première heure. Et puis, la mort.
  
  
• Chapitre 6: L'autre moi
  Je suis né en Angleterre, dans une bourgade à plus de deux heures de la première grande ville. Mes parents tiennent une ferme de plusieurs hectares. Moi, j'aime me glisser parmi les tournesols et laisser aller mes doigts tout contre leur tige. Je suis fils unique et aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais fréquenté d'autres personnes de mon âge. Parfois, je sens mon cœur se pincer. Et puis, ça passe et j'oublie.
  Les cours par correspondance m'exaspère. Je désespère de pouvoir me rendre dans une véritable faculté de lettres. Écrire c'est ma passion. Écrire, c'est ma vocation. Mon imagination déborde bien souvent et fait de moi une personne tête en l'air. Quand j'apprends qu'un scientifique a mis au point la machine me permettant de réaliser mes rêves et mes fantasmes, je suis le premier à faire la queue pour avoir une place.
  Quelle erreur ! Me voilà coincé dans Atria. Le pire dans tout ça, c'est que je m'y sens à ma place plus que partout ailleurs. Mais ça, jamais je ne l'avouerai. Je veux sortir. Non, je dois sortir.